Que signifie se marier en « séparation de biens » ? Quels changements apporte la réforme des régimes matrimoniaux à partir du 1er septembre 2018 ?

28 août 2018

Les futurs conjoints ne sont pas tenus d’établir un contrat de mariage quand ils se marient, mais dans certains cas, se marier sous le régime de la « séparation de biens » peut justement protéger les époux.  Faire un choix délibéré en connaissant les avantages et inconvénients de ce régime est dès lors crucial. Lors d’un mariage en séparation de biens, les conjoints peuvent eux-mêmes tempérer et équilibrer les nombreuses conséquences financières de ce régime matrimonial si nécessaire. 

1/ Quelle différence entre le régime légal de communauté et le régime de séparation de biens ?

Pour rappel, si les conjoints se marient sans contrat, ils sont soumis automatiquement au régime légal de communauté. Dans les grandes lignes, le régime légal consiste à ce que les partenaires conservent chacun leur patrimoine (contenant essentiellement les biens propres qu’ils possédaient avant le mariage, mais aussi les donations et héritages reçus avant ou durant le mariage), mais consiste également à ce qu’il y ait un patrimoine commun regroupant tant les biens communs (et les dettes communes), que les biens dont on ne peut prouver qui en est le propriétaire, ainsi que les revenus des partenaires.  Même si les conjoints perçoivent leur salaire chacun sur leur propre compte, les revenus sont donc considérés comme « communs » au moment où le régime matrimonial sera « dissous » (c’est-à-dire lors d’un décès ou d’un divorce).

Certains couples peuvent parfaitement se retrouver dans le système du régime légal, tandis que d’autres préfèrent opter pour un autre régime, ne souhaitant pas partager leurs revenus ni instaurer de patrimoine commun par exemple.  Ces couples préfèrent dès lors maintenir leurs patrimoines séparés, afin de pouvoir les gérer de manière autonome. Ils choisissent donc d’établir un contrat de mariage afin d’être mariés sous le régime de la « séparation de biens ». Manque de solidarité ? Pas tout à fait. Se marier en séparation de biens peut justement protéger les époux dans certains cas. Prenons par exemple le cas où l’un des partenaires exerce une activité indépendante pour laquelle il y a un risque de contracter des dettes professionnelles. Pour éviter que les biens de son conjoint ne soient aussi impactés, ils choisissent de tout séparer. En effet, en cas de dettes, les créanciers ne pourront saisir les revenus de l’autre conjoint alors que, sous le régime légal, ils pourraient se servir dans le patrimoine commun. Attention, contrairement aux idées reçues, le régime de séparation de biens ne concerne pas que les couples dont l’un des partenaires exerce une activité en tant qu’indépendant. Par exemple, les conjoints qui ont déjà des enfants issus d’une relation précédente, ou qui souhaitent tout simplement être indépendants financièrement et qui n’ont pas besoin dans l’immédiat d’un patrimoine « commun », peuvent parfaitement choisir de manière délibérée de séparer leurs biens (et leurs revenus).

2/ La séparation de biens "corrigée"

Les conséquences d’un mariage conclu sous le régime de la séparation de biens ne sont ni tout à fait noires ni tout à fait blanches : les partenaires peuvent même nuancer certains aspects de ce régime et les faire ajuster par le notaire afin d'atténuer les conséquences injustes et éventuelles d’une séparation de biens. En effet, si ces conjoints souhaitent souvent être indépendants concernant leurs revenus et leurs biens, ils ne souhaitent pas pour autant être moins protégés l’un vis-à-vis de l’autre concernant leur patrimoine et leur succession. Or, en établissant certaines clauses, les époux peuvent maintenir leur autonomie durant le mariage (également à l’égard d'éventuels créanciers), mais ils peuvent également prévoir une certaine solidarité et une protection entre leurs patrimoines si leur mariage prend fin.

Exemple : Luc et Marie se sont mariés sous un régime de séparation de biens, préférant rester indépendants l’un de l’autre concernant leurs revenus et leur patrimoine. Ils travaillent tous les deux et perçoivent des revenus plus ou moins équivalents. Après quelques années de mariage, les voilà tous deux parents de trois enfants.

Luc décide alors de réduire son travail à mi-temps, pour pouvoir consacrer plus de temps à leurs enfants. Or, étant mariés sous le régime de la séparation de biens pure et simple, leurs revenus restent séparés : Luc, étant passé à mi-temps, perçoit beaucoup moins de revenus, mais n’a aucun droit sur les revenus de Madame, En cas de séparation, Luc pourrait dès lors se retrouver face à des difficultés financières. En effet, Luc et Marie n’avaient pas réalisé que leurs revenus resteraient propres, même en cas de séparation ou de divorce. La situation peut même devenir dramatique si Luc avait décidé d’arrêter totalement de travailler, comme de nombreux parents au foyer. Luc se retrouverait alors sans aucun revenu du jour au lendemain, n’ayant aucun droit sur les revenus de son épouse.

3/ Quels changements à partir du 1er septembre 2018 ?

Les effets d’une séparation de biens, appliquée purement et simplement, peuvent donc parfois mener à des situations injustes ou inégales pour le conjoint « économiquement plus faible » (à savoir, celui qui perçoit moins de revenus que l’autre). Or, lors de la rédaction de votre contrat de mariage, vous avez la possibilité de prévoir certaines clauses afin de « corriger » ou « d’atténuer » les effets de ce régime, permettant ainsi de réinstaurer une certaine protection entre vous en cas de séparation par exemple :

  • La clause de participation aux acquêts : cette clause n’est pas nouvelle, mais la réforme des régimes matrimoniaux lui offre désormais un cadre légal plus clair et donc, davantage de sécurité également. Cette clause concerne les économies et acquisitions réalisées par chacun des époux durant le mariage (les « acquêts ») : en cas de dissolution du mariage, l’époux plus solide économiquement paiera une somme d’argent à l’époux plus faible économiquement, assurant ainsi un équilibre entre l’autonomie et la solidarité entre époux.
  • La clause de correction en équité : il s’agit ici d’une nouvelle possibilité prévue par la réforme. Les époux doivent désormais se prononcer expressément, dans leur contrat de mariage, sur l’insertion – ou pas – de cette clause. Si les futurs époux décident de l’insérer, cette clause sera applicable en cas de divorce pou désunion irrémédiable, à condition que les circonstances se soient modifiées défavorablement et de manière imprévue depuis la conclusion du contrat de mariage (exemple : un des époux a dû de manière imprévue réduire ses activités professionnelles pour des raisons familiales ou de santé), entrainant des conséquences manifestement inéquitables pour l’un des époux.  Le conjoint « lésé » pourra alors solliciter une indemnité auprès du tribunal, moyennant certaines conditions.

Lors de la rédaction de votre contrat de mariage, le notaire a le devoir de vous informer sur ces clauses et d’attirer votre attention sur leurs conséquences juridiques. Attention, ces clauses sont facultatives, vous n’êtes bien entendu pas obligés de les prévoir.

Comme vous aurez pu le constater, entre le régime légal de communauté et le régime de la séparation de biens pure et simple, il existe une série de possibilités intermédiaires. N’hésitez pas à consulter un notaire, il vous informera sur les différentes clauses et « corrections » que vous pouvez intégrer dans votre contrat de mariage.

Source: Fednot