Les conséquences du mariage

Il existe des règles obligatoires pour tous les couples mariés, qu'ils aient établi un contrat de mariage ou non. Ces règles sont appelées « régime primaire » car elles s’appliquent à tous les époux, quel que soit leur régime matrimonial. Ces règles sont donc indépendantes du régime matrimonial : elles sont valables pour tous les couples, mariés sous le régime de communauté (avec ou sans contrat de mariage), ou sous le régime de la séparation de biens.

 

 

La protection du logement familial

 

Un époux, même s’il est seul propriétaire du logement familial, ne peut pas le vendre, le donner, l’hypothéquer ou le mettre en location sans l’accord de l’autre conjoint (article 215 du Code civil). Toutefois, si ce dernier refuse, le juge peut l’y forcer s’il estime le refus injustifié.

Pour qu'un époux puisse vendre seul un immeuble, il faut évidemment qu'il en soit le seul propriétaire. Si une maison appartient aux deux époux, même dans des proportions différentes pour chacun, l'accord des deux est indispensable pour réaliser la vente. Si cette maison appartient en propre à un des deux époux, il peut la vendre sans l'accord de son conjoint, pour autant qu'il ne s'agisse pas de la résidence principale de la famille.

Nous assimilons tous la famille au ménage et à la maison. La résidence familiale est le lieu privilégié où la famille se loge, mange, partage ses loisirs : là où elle vit, et où chacun peut s'épanouir. Il ne s'agit pas nécessairement du domicile. Ainsi pour des raisons fiscales, un époux pourrait avoir un domicile (où il exerce son activité professionnelle), et une résidence (où il habite avec son épouse et ses enfants): seule la résidence est protégée. Il s'agit du lieu où la famille habite réellement à titre principal. Ne sont donc pas visés les résidences secondaires comme les appartements à la côte, ou les chalets en Ardenne.

La loi interdit à un des époux de vendre cette résidence principale sans l'accord de l'autre. D'autres actes sont interdits. La loi ne vise pas seulement la vente, mais également d'autres actes comme la donation, une hypothèque ou même un contrat de bail.

Exemple : Madame, seule propriétaire, ne peut pas annoncer à son mari: mon chéri, je te signale que nous déménagerons prochainement, que tu le veuilles ou non, parce que j'ai vendu la maison. Chacun a le droit de décider. Bien entendu, s'il n'existe aucune ombre, et que les deux époux sont parfaitement d'accord, le prix obtenu reviendra à celui qui était propriétaire.

Cette disposition joue même dans le cas d'une mésentente. Elle continue même si l'un des époux quitte cette résidence. Si l'époux propriétaire "déserte" la résidence, son conjoint et ses enfants doivent être protégés. Mais même si à la suite d'une violente dispute, Monsieur quitte la maison de Madame, cette dernière ne pourra pas la vendre sans son accord. Si Monsieur est rancunier, et que cette dispute dure des semaines, des mois, ou même des années, Madame sera bloquée.

En cas de séparation de fait, la protection ne prendra fin que lorsque le tribunal de la famille prendra les mesures urgentes et provisoires. Dans le cas d'une procédure en divorce, elle prendra fin dans le cadre de cette procédure.

Si l'époux propriétaire vend sans l'accord de son conjoint, ce dernier peut demander l'annulation de l'acte. Mais, s'il estime que le refus de consentement est abusif, il peut s'adresser au Tribunal de la famille.

Cette protection s'applique aussi aux meubles qui garnissent le logement familial, parce qu'un époux ne peut pas changer seul le cadre normal de la famille.

Cette protection du logement familial ne vaut que pour les couples mariés ou pour les cohabitants légaux. Dans cette dernière hypothèse, la loi a prévu une protection semblable.

 

Quid en cas de bail ?

Si les époux louent l'immeuble dans lequel ils se sont installés, ils bénéficient tous les deux du droit au bail, et ils profiteront donc tous deux de la protection reconnue par la loi aux baux de résidence principale.

Cela signifie qu'ils devront tous les deux être considérés comme colocataires, même si seul l’un d’entre eux a signé le bail (l’autre sera présumé avoir aussi signé le bail). Le renon éventuel devra donc être adressé aux deux époux, et ils seront tenus tous deux au paiement du loyer.

Cette règle s'applique non seulement aux baux signés par les époux en cours de mariage, mais également aux contrats signés par un des époux avant le mariage. Si un époux quitte la résidence conjugale, l'autre a quand même toujours droit au bail. De même, si l'un des époux décède, l'autre pourra continuer à habiter la résidence familiale aux mêmes conditions.

La règle ne joue que pour le logement familial. Elle ne s'applique donc pas aux résidences secondaires ou aux autres baux, comme les baux commerciaux.

 

La perception de revenus propres

 

Chaque époux peut percevoir ses revenus professionnels. De même, chacun pourra toucher seul les intérêts des capitaux propres qu'il possède, ou chacun pourra recevoir les loyers de ses immeubles.

En principe, les époux n'ont donc pas le droit de percevoir les revenus de leur conjoint. Bien entendu, il est toujours possible de donner un mandat : Madame peut donner à Monsieur le pouvoir de percevoir les intérêts de ses avoirs bancaires, ou Monsieur peut donner à Madame le pouvoir de toucher les loyers de ses immeubles.

Chaque époux peut donc gérer ses revenus personnels (article 217 du Code civil). Ce n'est pas pour cela qu'il en est propriétaire : tout dépend du régime matrimonial des époux. S'ils sont mariés sous un régime de séparation des biens, chacun en reste propriétaire ; par contre, s'ils sont mariés sous un régime de communauté, ils tombent dans cette communauté. Il faut toutefois rappeler la règle suivant laquelle les époux doivent affecter leurs revenus en priorité aux charges du mariage.

 

La contribution aux charges du mariage

 

Le mariage entraîne obligatoirement une solidarité entre les époux : la loi prévoit que « chacun des époux contribue aux charges du mariage selon ses facultés » (article 221 du Code civil). Cette participation sera réglée en fonction des possibilités financières de chacun et du train de vie du ménage.

Qu’entend-on par « facultés » ? Les facultés ne comprennent pas simplement les ressources financières des époux (salaire, revenus des placements financiers) mais également le temps que chaque époux consacre aux tâches ménagères, à l’éducation des enfants.

Que couvrent les charges du mariage ?  Les charges du mariage comprennent essentiellement les frais du ménage, les frais relatifs à l’éducation des enfants, les frais liés à l’immeuble servant au logement familial même si ce dernier n’appartient qu’à un seul des époux. Dans ce dernier cas, l’époux qui n’est pas propriétaire devra rapporter la preuve que sa contribution a été exceptionnelle pour pouvoir prétendre lors de la dissolution du mariage à une créance à faire valoir à l’égard de son conjoint.

En revanche, ne doivent pas être considérées comme des charges du mariage :

  • les frais qu’un des époux engage pour les besoins de sa profession ou d’un de ses immeubles autre que le logement familial ;
  • les dettes qu’un des époux contracte pour les besoins du ménage ou de l’éducation des enfants obligent solidairement les deux époux pour autant que ces dettes ne soient pas excessives eu égard aux ressources du ménage. Dans ce cas, seul cet époux répondra à l’égard des créanciers.

Comment répartir les charges du mariage ? Il est évident que si un seul des époux a des revenus, lui seul sera tenu d'alimenter la tirelire familiale. Par contre, si les deux disposent de revenus, il est normal que chacun intervienne dans les charges du ménage. Il n'existe pas de règle obligatoire fixant la manière dont les époux doivent participer à ces charges. La loi précise simplement que les époux doivent participer en proportion de leurs facultés. Chaque couple est libre de déterminer les règles. S'ils établissent un contrat de mariage, il y préciseront les règles de leur participation respective. Les époux peuvent même décider que, si l'un d'eux n'a pas de revenus personnels, et s'occupe des enfants et du ménage, il a le droit de demander un montant pour satisfaire ses besoins personnels.

Si un des époux refuse de contribuer aux charges de la famille, l'autre pourra demander l'intervention du tribunal de la famille. Ce magistrat peut même autoriser un des époux à percevoir les revenus de son conjoint pour les affecter à sa participation aux charges du ménage.

Jusqu'à quel montant les époux doivent-ils participer aux charges du ménage ? La loi ne répond pas à cette question: tout dépend du train de vie normal du ménage. Ce sont les époux qui peuvent le fixer librement. Il est cependant évident qu'un train de vie excessif d'un époux peut ruiner le ménage. Si un époux est particulièrement dépensier, il devra en supporter seul les conséquences. Si Monsieur décide d'acheter une Ferrari, alors que les revenus du ménage ne permettent que l'acquisition d'une voiture modeste, Madame ne devra évidemment pas participer. C'est donc l'ensemble des revenus des deux époux qui permettra de déterminer si une dépense est excessive ou non.

Il est à noter que ce n’est pas parce que chacun des époux contribue de manière différente au mariage que cela nécessite l’établissement d’un compte entre époux. En effet, la valeur des prestations financières s’équilibre souvent avec la valeur des prestations ménagères car les premières ne pourraient être aussi importantes si l’un des deux époux ne consacrait davantage de temps aux tâches ménagères.

 

Les dettes contractées pour les besoins du ménage ou l'éducation des enfants

 

Quel que soit le régime matrimonial, les époux sont solidairement tenus au paiement des dettes contractées par l’un d’eux pour les besoins du ménage ou pour l’éducation des enfants  (article 222 du Code civil).

Cette disposition ne manque pas d’intérêt pour les créanciers : pour autant que les conditions soient remplies, ils auront deux débiteurs alors qu’un seul des époux a signé l’engagement.

Ainsi, si un des époux contracte une dette pour les besoins du ménage et l'éducation des enfants, l'autre est également tenu. Cela signifie que chaque époux a le pouvoir de contracter seul ses dettes, et de passer tout contrat à ce sujet. Les époux ne doivent pas se donner un mandat réciproque : il suffit de prouver que cette dette était indispensable pour que les deux époux soient tenus à la rembourser. Exemple : après son congé de maternité, l'épouse doit reprendre son activité professionnelle, et elle a choisi la garderie à laquelle elle allait confier son bébé. Même si son mari n'a rien signé, il sera également tenu au paiement des frais de garderie.

Prenons les exemples suivants, rencontrés quotidiennement :

  • L'achat à crédit d’un appareil électroménager, d’un lave-vaisselle, d’une cuisinière, etc. A l’achat, les deux époux ne sont pas toujours ensemble pour signer le contrat. Le seul engagement de l’un des époux entraîne celui de l’autre.
  • Le paiement des loyers de l’immeuble occupé par la famille mais pour lequel seul un des époux a signé le contrat de bail. Le couple, par exemple, décide de s’installer dans l’appartement loué par l’époux avant le mariage. Par le seul fait du mariage, le propriétaire se retrouve avec deux personnes tenues au paiement du loyer. S’agissant du logement familial, cela signifie aussi qu’un éventuel renon devra être adressé par les deux époux ou aux deux époux suivant le cas (pour autant que le propriétaire en ait connaissance).
  • Les dépenses relatives à l’éducation des enfants.
  • Le principe s’applique aux autres dépenses telles que les redevances radio-TV, les notes de téléphone ou d’électricité, les taxes foncières, etc.

Limites : cette règle pourrait effrayer certains et donner des idées à d’autres. Elle a cependant des limites. Il ne faut pas que l’engagement dépasse les capacités financières des époux. Pas question pour Madame d’acheter à crédit la cuisine équipée dernier cri sans l’intervention de Monsieur si leur budget ne leur permet pas. L’article 222 ne vise certainement pas à favoriser le surendettement. Le système est en fait le prolongement de la règle qui impose à chacun des époux de contribuer aux charges du ménage. Cela s’analyse au cas par cas. Le principal critère repose, bien entendu, sur les revenus du ménage. Il convient de garder à l’esprit le caractère raisonnable de la dépense. En cas de litige, c’est le juge qui tranchera.

Depuis 2000, cette disposition s’applique également aux personnes qui ont fait une déclaration de cohabitation légale.

 

La possibilité d'annulation de certains actes

 

Toute une série d’actes, il faut le préciser, sont annulables (article 224 du Code civil). Exemple : un époux ne peut se porter caution pour un ami sans l'accord de son conjoint. Pour être valable, l’action en annulation doit être introduite dans l’année du jour où l’époux a eu connaissance de l’acte en question.

 

Les dettes personnelles

 

Enfin, pour protéger le conjoint, la loi a prévu que, pour trois actes bien précis, l’époux qui contracte une dette n’engage pas son conjoint. Il sera toujours tenu personnellement :

  • tout acte posé dans l’exercice de sa profession ;
  • l’ouverture d’un compte de dépôt ;
  • la location d’un coffre-fort.