La répartition des biens

La simple union libre ne confère aucun droit et aucune obligation, pas plus au niveau des personnes qu’au niveau de leurs biens. Les cohabitants de fait se trouvent dans une situation plus fragile que celle des couples mariés et des cohabitants légaux.

Pourtant, au fil du temps, ce couple peut être confronté à une situation qui s’apparente à celle du mariage : existence d’une descendance, achat ou héritage de biens mobiliers ou immobiliers, création d’une épargne, endettement, décès, rupture, etc. Comment vont se régler ces événements ?

 

 

Les revenus

 

Les revenus de chaque partenaire restent personnels à celui qui les a générés.

Le sort des revenus du couple marié est réglé d'après le régime matrimonial des époux. Ainsi, s'ils n'ont pas rédigé de contrat de mariage, leur revenus tombent automatiquement dans leur patrimoine commun. Si, par contrat de mariage, ils ont opté pour le régime de la séparation de biens, les revenus restent personnels à celui qui les a générés ; dans ce cas, ils devront s'arranger pour régler entre eux la participation de chacun dans la « tirelire familiale ».

L'union libre ne crée par elle-même aucune espèce d'indivision entre les membres du couple, chacun gardant son patrimoine, il en découle que tous les revenus restent personnels à celui qui les génère, sans distinction de leur source : travail ou capital. Chacun reste donc propriétaire de ses revenus.

Si les partenaires acquièrent ensemble un bien productif de revenus (par exemples: un immeuble de rapport, un fonds de commerce, un portefeuille d'actions, ...), les revenus de ces biens resteront acquis par chaque partenaire, proportionnellement à ses droits dans ledit bien.

Pour le couple de fait, il n'existe aucune règle de participation de chaque partenaire dans les revenus du ménage. Pour cette raison, il est vivement conseillé de régler ces questions dans un contrat de vie commune.

 

Les dépenses du ménage

 

Les dépenses du ménage et leur prise en charge doivent faire l’objet d’un accord entre les partenaires. 

Aucun ménage ne vit exclusivement « d'amour et d'eau claire ». Il lui faut des revenus, et il aura des dépenses.

Parmi celles-ci, quelles sont celles que l'on qualifie de dépenses de ménage ?

Les charges du ménage se limitent aux besoins de la vie courante, à l'exclusion de toute autre dépense que l'on peut qualifier « d'investissement ». Ces charges comprennent notamment :

  • la nourriture et le logement ;
  • l'éducation des enfants communs, les frais de réception organisées par le couple, les gages du personnel attaché à la vie du couple.

Par contre, ne doivent plus être considérées comme dépenses de la vie courante :

  • l'installation de l'habitation ;
  • l'aménagement de locaux professionnels, l'achat d'une voiture, d'un bateau ou d'un avion. le coût d'un voyage, etc.

Chaque partenaire devra participer à l'alimentation de la « tirelire » du ménage, mais sa participation n'est pas fixée par la loi. La contribution aux frais du ménage sera décidée librement par les partenaires; à eux de s'entendre sur ce point en dehors de tout recours aux tribunaux. Bien entendu, si une convention de vie commune est intervenue avant la mise en ménage, les parties se référeront et se soumettront aux clauses relatives à la participation à ces dépenses.

Les couples vivant en union libre devront être particulièrement attentifs aux conséquences financières découlant de l'absence de rémunération du travail ménager et familial. La situation est en effet totalement différente de celle créée par le mariage. En cas de mariage sous le régime de la communauté de biens (par exemple pour les époux mariés sans contrat de mariage), la loi protège le conjoint qui n'exerce aucune profession mais reste « à la maison » pour entretenir le ménage et élever les enfants. Il participe automatiquement à la prospérité de l'autre puisque les revenus sont considérés comme communs.

Dans la situation d'union libre, les partenaires devront veiller à rétablir entre eux un certain équilibre en indemnisant financièrement celui qui assume ces tâches, ou en réalisant les acquisitions pour le compte des deux partenaires, alors qu'un seul des deux a des revenus.

 

La propriété des biens

 

Chaque partenaire reste propriétaire de ses biens ; cependant, dans certaines circonstances, il faudra apporter la preuve de ce que les biens appartiennent à l’un ou l’autre.

Contrairement à ce qui existe pour les couples mariés, il n'existe aucune protection pour le logement familial. Si un des partenaires est propriétaire du logement dans lequel le couple s'est installé, il peut s'en dessaisir lorsqu'il le souhaitera, sans aucune autorisation de son partenaire.

  • Preuve de propriété des biens

Mais, comment un des partenaires parviendra-t-il à prouver qu'il est bien le seul propriétaire d'un bien?

Pour les immeubles, il n'y a pas de problème : il suffira de consulter le titre de propriété (la copie de l'acte notarié d'acquisition). Si ce document est perdu, il sera toujours possible de retrouver le nom du notaire dépositaire de l'original de l'acte. S'il s'agit d'un immeuble recueilli dans une succession, il faudra retrouver le titre de propriété du défunt et établir la dévolution de la succession. Le notaire est bien entendu à la disposition de chacun pour l'aider à reconstituer les différents titres de propriété.

Pour les meubles, la question est parfois plus délicate.

Si un des deux partenaires a conservé les preuves de l'achat d'un bien à son nom, il n'y aura pas de problème non plus. Celui qui a acheté une voiture n'aura pas de difficulté à prouver que la voiture lui appartient s'il produit la facture d'achat, ou le certificat d'immatriculation à son nom. De même, s'il a conservé les factures ou les bordereaux d'achat pour des appareils électro-ménagers, ou d'autres biens d'équipement, il pourra facilement prouver que ces objets lui appartiennent.

Pour les biens recueillis dans une succession, on pourra retrouver dans l'inventaire ou le partage (si ces actes ont été dressés) l'origine des biens et ainsi, reconstituer la preuve de la propriété.

S'il n'y a pas moyen de déterminer à quel partenaire les biens appartiennent, ils seront censés appartenir aux deux, dans les mêmes proportions. Le propriétaire de la maison dans laquelle le couple s'est installé n'est pas nécessairement propriétaire de son contenu.

En cas de contestation, il appartiendra à la justice de trancher en admettant ou en rejetant les pièces produites à titre de justification de propriété.

Afin d'éviter les problèmes, il est possible de dresser un inventaire de ce qui est personnel à chacun au moment où les partenaires s'établissent ensemble. De même, ils peuvent convenir d'un certain nombre de présomptions : par exemple, en décidant que tous les biens se trouvant dans la résidence secondaire appartenant à un seul des partenaires seront censés être la propriété du seul propriétaire de l'immeuble.

Tous ces points peuvent être repris dans une convention de vie commune.

  • Possibilité d'avoir des biens ensemble

Les partenaires restent propriétaires de ce qu'ils possèdent. Cela ne signifie pas qu'ils ne peuvent rien posséder ensemble !

Rien n'empêche les partenaires d'acquérir une maison ensemble. Cet immeuble sera censé appartenir pour une moitié à chacun, sauf si l'acte d'acquisition prévoit d'autres proportions. Mais, dans le cas d'une acquisition immobilière, ils voudront souvent se donner mutuellement certaines protections en cas de mésentente ou de décès de l'un d'eux.

Si les partenaires achètent ensemble un immeuble, ils devront veiller à se conférer certaines protections, comme une clause d’accroissement ou de tontine.

S'ils acquièrent un immeuble ensemble, ils créent une indivision ; dès lors, toutes les règles relatives au règlement de l'indivision ou à la sortie d'indivision seront d'application.

Contrairement à ce qui est prévu pour les couples mariés, ils pourront se vendre, se céder ou s'échanger des biens sans autorisation.

 

Les avoirs bancaires

 

Les partenaires peuvent ouvrir des comptes en banque individuellement (et ce en toute discrétion, comme vu plus haut) ou au nom des deux et même acquérir des biens immeubles en indivision entre eux ou avec un tiers.

En effet, vivant ensemble librement, les partenaires peuvent ouvrir tout compte en banque, y effectuer des dépôts, ou en retirer des sommes sans l'accord de son partenaire.

Chacun pourra également y louer un ou plusieurs coffres, ou y avoir un portefeuille de valeurs en dépôt.

Tous les avoirs appartiendront à celui des partenaires au nom duquel ils sont immatriculés.

Dans le cas d'un couple marié, la banque a l'obligation de prévenir le conjoint de l'époux qui ouvre un compte ou qui loue un coffre, quel que soit le régime matrimonial qu'ils ont adopté (communauté ou séparation de biens). Cette obligation n'existe pas pour les partenaires non mariés, qui peuvent ouvrir des comptes en toute discrétion.

Les partenaires non mariés peuvent, bien entendu, se donner procuration mutuelle sur les différents comptes ou coffres bancaires. De même, ils peuvent ouvrir des comptes ensemble; à ce moment, les avoirs seront présumés leur appartenir à chacun à concurrence d'une moitié.

 

Le droit au bail

 

Si les partenaires louent un logement qu’ils occupent, ils doivent être attentifs à leur contrat de bail : il est vivement recommandé aux partenaires de signer tous les deux le bail afin que chacun ait les mêmes droits par rapport au propriétaire (exemple : en cas de décès de l’un d’entre eux, l’autre pourra continuer à occuper seul le logement). La situation est différente pour les couples mariés ou les cohabitants légaux :  le droit de bail est dans ce cas présumé appartenir aux deux conjoints/cohabitants légaux, même si l’un d’entre eux ne signe pas le contrat de bail.

Un couple non marié a décidé de vivre ensemble. Si les partenaires décident de vivre dans un logement loué, ils doivent vérifier si chacun dispose de la même protection à l'égard de leur propriétaire.

Plusieurs situations peuvent se présenter :

  • Un des deux partenaires est déjà locataire du logement

Un des partenaires est depuis un certain temps locataire d'un immeuble, et l'autre vient s'installer chez lui. Le propriétaire ne peut pas demander la résiliation du bail simplement parce que son locataire n'habite plus seul. Le respect de la vie privée interdit au propriétaire de s'immiscer dans le mode de vie de son locataire, sauf si le contraire est prévu dans le contrat de bail. En contrepartie, le locataire ne peut exiger une modification du titulaire du bail.

Toutefois, en cas de décès ou en cas de rupture du couple pour mésentente, le partenaire locataire pourra rester dans les lieux, l'autre devra les quitter.

  • Les deux partenaires sont locataires

Tous deux ont un droit d'occupation égal et le propriétaire est tenu de respecter cette situation. Pour cette raison, il est très vivement recommandé aux partenaires de signer tous les deux le bail. C'est intéressant pour le propriétaire, qui pourra demander le loyer à l'un ou l'autre des partenaires, et pour les occupants, qui disposent chacun du même droit d'habitation.

En cas de rupture du couple, chacun des partenaires a un droit identique pour rester dans les lieux ; ils devront s'entendre pour choisir celui d'entre eux qui restera dans le logement; à défaut d'accord, ils devront faire trancher le litige par la justice. En cas de décès d'un partenaire, le survivant continuera à exercer seul son droit de pouvoir occuper le logement. Bien entendu, il devra supporter le loyer seul.

 

Les dettes

 

Chacun des partenaires est responsable de ses dettes personnelles : les créanciers peuvent donc saisir les avoirs de leur débiteur mais pas ceux de l'autre partenaire. Bien entendu, celui qui n'est pas débiteur de la dette devra prouver qu'il est réellement propriétaire de ses biens. Cela empêchera le créancier de pouvoir les saisir.

Si des biens appartiennent aux deux partenaires, le créancier devra, préalablement à sa saisie, provoquer le partage des biens entre les membres du couple ; ensuite, il pourra saisir les biens qui auront été attribués à son débiteur. Bien entendu, si la dette a été souscrite par les deux partenaires, le créancier pourra saisir tous les biens de ceux-ci.

Il arrive souvent qu'un des partenaires désire solliciter un crédit. Il est courant que l'organisme prêteur, désireux d'augmenter ses garanties, exige la signature de l'autre, créant ainsi la solidarité entre emprunteurs : dès lors, les deux partenaires sont tenus du remboursement intégral du capital et des intérêts. S'il veut éviter d'être personnellement engagé, le partenaire qui ne profite pas de l'emprunt devra refuser de le signer comme co-emprunteur, ou comme caution.

Parfois, un des partenaires accepte volontairement de rembourser les dettes de l'autre; dans ce cas, ils peuvent établir entre eux des conventions de reconnaissance de dette ou de "subrogation". En cas de mésentente ultérieure, celui qui a payé à la place de l'autre pourra toujours réclamer le remboursement de ce qu'il aura avancé.

 

Le partage des biens

 

Que se passerait-il si la relation de cohabitation légale venait à prendre fin ? En cas de rupture, les partenaires seront amenés à partager les biens qu’ils ont acquis ensemble, soit de commun accord, selon le souhait de chacun, soit, s’il y a mésentente, en introduisant une procédure devant le tribunal de la famille.

  • Si les partenaires s'entendent entre eux (en cas de rupture de l'union), ou avec les héritiers de l'autre (en cas de décès de l'un d'entre eux), ils peuvent partager les biens comme ils le souhaitent. Chaque partenaire, ou les héritiers du partenaire décédé conservera les biens de toute nature dont ils sont devenus seuls propriétaires. Bien entendu, chacun supporte seul, en contrepartie, les dettes grevant ces biens.
  • En cas de mésentente, chacun peut demander le partage des biens indivis en introduisant une procédure devant le tribunal de la famille, soit que ces derniers aient été acquis en indivision, soit que la propriété exclusive ne puisse être prouvée. Ce partage se fera en principe par parts égales.

En pratique, le partage des meubles se fera sans difficulté : il suffira de les faire estimer avant de les attribuer. Par contre, en cas de mésentente, le partage de l'immeuble suscitera parfois plus de difficultés. A nouveau, le couple pourra s'adresser au tribunal pour régler le différend. 

 

Les conséquences fiscales

 

Pour apprécier la situation fiscale d'un couple vivant en union libre, il convient de la comparer avec celle d'un couple marié dont la composition du ménage, du patrimoine et des revenus sont analogues. En effet, souvent un des motifs invoqués en faveur de l'union libre est l'avantage fiscal espéré ou réel. Qu'en est-il exactement ?

Il est impossible d'entrer dans les détails de la loi fiscale, dans le cadre de la présente information. Les renseignements qui sont communiqués sont donc partiels et succincts. Il appartient à chacun de les apprécier en fonction de sa situation personnelle.

Avant tout, il faut distinguer plusieurs fiscalités :

  • la fiscalité directe, comme l'impôt sur les revenus des personnes physiques ;
  • la fiscalité indirecte, comme les droits de succession : c'est principalement sur cet élément que les couples ayant pris des précautions pour s'assurer un droit de survie doivent réfléchir.

La différence de traitement entre contribuables liés par le mariage et ceux vivant en union libre reste évidente : le mariage reste en définitive fiscalement pénalisé par la progressivité de l'impôt direct, au cumul des revenus. Cet aspect motive certains couples à vivre en union libre plutôt que dans les liens du mariage. Le seul argument fiscal dissuasif contre l'union libre réside dans l'importance des droits de succession entre partenaires.