Donation aux enfants

Les parents désirent généralement respecter l'égalité totale entre leurs enfants. S'ils possèdent un immeuble qu'ils veulent donner à un seul de leurs enfants, comment peuvent-ils faire pour respecter cet équilibre ?

 
une famille jouant chez eux

 

Prenons l'exemple de Victor et Henriette. Ils ont 3 enfants et sont propriétaires de 2 maisons. Ils occupent l'une des deux, et l'autre est louée à leur fils aîné, Alain, qui est kinésithérapeute. La maison qu'Alain occupe est ancienne, et il envisage d'y effectuer des travaux très importants, notamment pour y aménager un cabinet professionnel. S'estimant trop âgés, Victor et Henriette ne souhaitent plus réaliser eux-mêmes les travaux de rénovation de l'immeuble. Qu'est-il possible de faire ? 

Vendre ou donner ?

Bien entendu, tout pourrait être réglé facilement si Victor et Henriette vendaient leur maison à leur fils Alain, en demandant à leurs deux autres enfants d'intervenir à l'acte pour constater que le prix correspond bien à la valeur de l'immeuble, et qu'il est réellement payé. Mais les parents n'ont pas besoin de cet argent, et ils souhaitent le laisser à leurs trois enfants ! De plus, si Alain achète la maison, il devrait payer des droits d'enregistrement, ce qu'il trouve fort élevé pour une maison qui, un jour ou l'autre, pourrait lui revenir dans la succession de ses parents.

Victor et Henriette préfèrent donc donner la maison à Alain. Mais comment respecter l'équilibre entre les enfants ? La valeur de la maison dépasse largement le tiers des biens des parents, et Alain recevra plus que les autres enfants. 

Donation et cession: le 'double acte'

Il existe cependant une solution, qui est fréquemment utilisée : la technique du "double acte" (également appelée "donation-partage"). Victor et Henriette peuvent donner la maison à leurs 3 enfants, et, immédiatement après l'acte de donation, le frère et la sœur d'Alain peuvent lui vendre les droits qu'ils possèdent. Les objectifs que toute la famille recherche seront atteints :

  • L'équilibre est respecté, puisque chaque enfant a reçu des parents une part égale : un tiers de la maison. Dans le cadre du partage futur, il ne faudra donc plus tenir compte de la valeur de la maison.
  • Alain peut devenir seul propriétaire de la maison : il pourra indemniser son frère et sa sœur en leur rachetant leurs droits.

Fiscalement, cette solution procure d'autres avantages : tout d'abord, puisque les parents donnent l'immeuble à leurs 3 enfants, chacun paiera les droits de donation sur les tranches les plus basses. Ainsi, si la maison vaut 150.000 €, chacun des enfants en recevra une part de 50.000 € : Alain paiera les droits sur la part de la maison reçue de son père (soit sur la moitié de 50.000 € = 25.000 €, le taux applicable sera donc de 3%), et les mêmes droits sur la part reçue de sa mère. Les autres enfants paieront les mêmes droits. Ensuite, dans le cadre du rachat des parts de son frère et de sa sœur, Alain ne paiera que le droit de partage de 1% à titre de droit d'enregistrement, et non pas le droit de vente. Les frais de ce partage constituent le prix de la sécurité juridique et de la paix familiale.

Si les parents ont d'autres biens...

Cette solution de donation-partage est souvent conseillée par les notaires, même si les parents ont d'autres biens de nature différente : une maison, de l'argent liquide, des terrains,.... Ils peuvent, à ce moment, envisager de donner ces biens à leurs trois enfants qui, dans un acte ultérieur, se les partageront. L'adoption de cette solution procurera à la famille ce qu'elle recherche : l'équilibre entre les enfants sera respecté, à un coût fiscal réduit.

Autres modalités

Les membres de la famille peuvent décider ce qui leur convient le mieux, en adoptant d'autres modalités, par exemple :

  • le paiement du prix qu'Alain doit verser peut être différé ;
  • la donation peut porter sur la nue-propriété de certains biens, les donateurs s'en réservant l'usufruit ;
  • Alain peut racheter uniquement la part d'un de ses frère ou sœur en se réservant la possibilité de racheter plus tard la part de l'autre.
 

L’achat démembré

L’achat démembré est une technique répandue dans la planification de la succession : une personne achète l’usufruit et l’autre la nue-propriété. Souvent, cela concerne les parents qui acquièrent l'usufruit et les enfants (ou un enfant) la nue-propriété. L'avantage ici est que les parents eux-mêmes profitent de la propriété. Ils peuvent toujours habiter la propriété ou générer des revenus de location. Une fois qu'ils décèdent, leur usufruit s'éteint et l'enfant devient le propriétaire à part entière du bien.

Pas de droits de succession au décès de l’usufruitier : si les parents ont acheté le bien immobilier en "pleine propriété", les enfants devront donc payer des droits de succession en raison du seul transfert de la propriété suite au décès.

Ce n’est pas le cas lorsque les parents ont acheté l’usufruit et les enfants la nue-propriété.
L’usufruit des parents (c’est-à-dire le pouvoir notamment d’occuper le bien) disparait automatiquement lors de leur décès. Les enfants ne payent donc pas de droits de succession, tandis qu’ils deviennent plein propriétaires du bien.

Le fisc accepte cette technique de l’achat « scindé » mais pour autant qu’une série de conditions soient respectées, faute de quoi cette  technique peut être considérée comme abusive sur le plan fiscal. Le fisc s’en réfèrera alors à une règle du Code des droits de succession, selon laquelle les enfants devront quand même payer des droits de succession sur la valeur du bien en pleine propriété, en cas de décès des parents.

En effet, bien souvent, les enfants ne disposent pas des fonds nécessaires pour acheter la nue-propriété du bien, de sorte que les parents leurs viennent en aide. Ceux-ci effectuent à leur profit un don manuel des sommes nécessaires à l’acquisition de la nue-propriété. Au décès des parents, l’usufruit rejoint le patrimoine des enfants sans taxation.

Quels sont les avantages fiscaux résultant de cette formule ? D’une part, les parents diminuent la masse de leur future succession en donnant dès maintenant de l’argent à leurs enfants. D’autre part, l’immeuble ne pourra plus constituer une source de taxation au décès des parents. Enfin, l’ensemble étant ôté de la future succession des parents, à l’ouverture de leur succession, calculés sur base d’un barème progressif, ils seront d’autant moins conséquents. Ce montage est considéré comme abusif sur le plan fiscal.

Toutefois, cette affirmation doit être nuancée suite à l'adoption de différentes décisions administratives par l'Administration fiscale dont la position actuelle est la suivante :

La donation préalable est admise dans les deux cas suivants :

  • lorsqu’il est démontré que les bénéficiaires ont pu librement disposer des biens donnés (exemple : s’il est démontré que la donation par l’usufruitier n’était pas spécifiquement destinée au financement de l’achat de la nue-propriété dans le cadre d’une acquisition scindée) ;
  • lorsque des droits de donation ont été payés sur la donation préalable (tarifs de 3% à 7%).

Sur le plan des principes, il convient de juger au cas par cas, en tenant compte de la situation particulière qui se présente.

Plus que jamais, il est recommandé aux personnes qui souhaitent réaliser une opération immobilière un peu particulière de ce type de prendre conseil auprès d’un notaire.