Les pactes successoraux : que peut-on faire à partir du 1er septembre 2018 ?

27 août 2018

Aujourd’hui, conclure des arrangements sur une succession future est interdit. Cela signifie que vous ne pouvez en principe pas conclure d’accords avec vos futurs héritiers sur votre héritage après votre décès. La réforme successorale, qui entre en vigueur ce 1er septembre 2018, a assoupli ce principe important, en augmentant le nombre d’exceptions. Mais attention, tout n’est pas possible !

Limitations

La nouvelle loi instaure une procédure et des formalités strictes que les pactes successoraux doivent respecter. Certains accords seront donc désormais possibles, mais seulement en respectant des conditions précises.

Le pacte global (familial)

Le pacte successoral global (familial) est un pacte successoral regroupant les deux parents (ou l’un d’eux) et tous les enfants et/ou petits-enfants (tous les descendants successibles présumés). Ce pacte est l’occasion de faire le point sur ce que chaque enfant a déjà reçu (ou va recevoir au moment du pacte) et, si chaque enfant estime avoir été traité de manière « équilibrée » par rapport aux autres, la signature du pacte permet de « consolider » ces donations en excluant qu’elles puissent, à l’avenir, être remises en cause par la suite : le pacte permet, ainsi, de « remettre les compteurs à zéro ». Le pacte successoral familial concerne essentiellement le(s) parent(s) et les enfants, mais il peut également avoir des conséquences pour les beaux-enfants ou le conjoint. Par conséquent, ceux-ci pourront également intervenir dans certains cas.

Lors de la rédaction d’un pacte successoral familial, le respect  d’un équilibre entre les héritiers est au centre des préoccupations. Cela ne signifie pas que tous les héritiers doivent recevoir la « même chose » : l’idée est que chacun se sente traité de manière « équilibrée » par rapport aux autres, compte-tenu de ce qu’il a reçu, des avantages (éventuellement non financiers) dont il a pu bénéficier, mais également au regard de ses besoins. Un pacte successoral familial peut, par exemple, permettre de compenser certaines inégalités du passé ou de s’accorder pour reconnaître que certaines opérations du passé ont respecté un certain équilibre entre les enfants.

Exemple

Des parents ont payé des études coûteuses à l’étranger pour un de leurs enfants, tandis que l’autre enfant a reçu une donation. Cette donation aura, pour cet enfant, une incidence dans le cadre de la succession des parents ; la donation sera en effet imputée sur sa part successorale afin de garantir l’égalité entre les enfants. Les études coûteuses, qui ne sont en principe pas considérées comme une donation, ne seront, quant à elles, pas imputées sur la part successorale de l’autre enfant. Cela pourrait engendrer une inégalité lorsque les enfants hériteront.

En établissant un pacte familial, les enfants et les parents pourront s’accorder à l’avenir sur le fait que les études coûteuses et la donation constituent des avantages équivalents ou équilibrés, en fonction des besoins et de la situation respective de chacun des enfants. Ils pourront alors stipuler qu’un équilibre entre les deux enfants est respecté, de sorte que ni la donation ni l’avantage résultant du financement des études ne devront faire l’objet d’un compte entre les enfants dans le cadre de la succession des parents (ni par le biais d’un rapport, ni par le biais d’une réduction). S’accorder au préalable sur l’existence d’un équilibre permettra ainsi d’anticiper la liquidation de la succession des parents.

L’établissement d’un pacte permettra d’éviter de nombreux conflits et ambiguïtés dans ces situations, mais permettra également, de manière plus générale, de sécuriser les donations reçues par chacun, par exemple dans l’hypothèse où les enfants ont tous bénéficié de donations (ou ont bénéficié d’avantages équivalents) dont ils considèrent qu’elles/ils permettent d’assurer un équilibre entre eux.

Le pacte ponctuel

Que se passe-t-il s’il est impossible de réunir toute la famille autour de la table car l’un ou l’autre membre n’est pas disposé à conclure un accord ? Dans ce cas, les parties ne pourront établir un pacte familial global, mais pourront conclure des pactes successoraux ponctuels. Ces pactes n’exigent pas l’accord de tous les membres de la famille, et seront établis à l’occasion ou suite à un acte juridique spécifique qui concerne certains membres de la famille.

Exemple

Supposons qu’il y a trois enfants. La part qui sera réservée globalement aux enfants représentera, à partir du 1er septembre 2018, toujours la moitié de la succession. Chacun des enfants conserve donc une réserve, qui sera, en présence de trois enfants, d’1/6 chacun. À l’avenir, chaque enfant pourra toutefois accepter explicitement, à l’avance, que sa réserve soit « atteinte » suite à une donation consentie à un autre enfant ou à toute autre personne. Citons par exemple le cas de parents qui souhaitent mettre davantage de moyens à la disposition d’un enfant nécessitant des soins (exemple : un enfant handicapé), et qui veulent, par conséquent, accorder une plus grande partie de leur héritage à cet enfant en lui consentant une donation de leur vivant. Le pacte ponctuel permettra par exemple aux autres enfants de renoncer, à l’avance, à demander leur réserve sur les biens donnés à l’enfant handicapé.

Ces pactes ponctuels sont également intéressants dans le cadre des familles recomposées : les enfants du testateur pourront accepter à l’avance que leur parent accorde, par le biais d’une donation, une part à son beau-fils ou sa belle-fille, même si cela affecte leur (future) part réservataire.

Un autre exemple de pacte ponctuel concerne la possibilité pour les frères et sœurs de s’accorder sur la valeur d’une donation que l’un d’eux a reçue, afin que cet élément ne soit plus contesté lors de la succession.

Grandes conséquences = grande nécessité de protection

Les pactes successoraux peuvent avoir un impact considérable sur les patrimoines des héritiers. Établir un pacte successoral constitue, par conséquent, un acte majeur qui implique des choix importants.

Afin de s’assurer que les familles fassent ces choix en toute connaissance de cause, le législateur a rendu obligatoire l’intervention du notaire dans l’établissement de pactes successoraux. Les familles ou les personnes qui souhaitent conclure des accords spécifiques concernant leur succession ne peuvent donc pas rédiger elles-mêmes un pacte successoral, mais doivent à cette fin passer devant un notaire qui établira le pacte successoral dans un acte notarié et respectera, à cette fin, une procédure stricte fixée par la loi. Par ailleurs, le notaire – en sa qualité de conseiller impartial et indépendant – assistera et informera toutes les parties concernant les conséquences des choix qu’elles ont opérés.

Avant de signer définitivement le pacte successoral, chacune des parties reçoit un projet du pacte successoral. Au moment de l’envoi du projet d’acte, une date de réunion (à laquelle toutes les parties sont conviées) est fixée. Cette réunion, qui ne pourra se tenir avant l’écoulement d’un délai de 15 jours à dater de la réception du projet, sera l’occasion d’expliquer, en toute transparence, le contenu du pacte et ses conséquences. Le pacte successoral ne pourra être signé au plus tôt qu’un mois après la réunion.

Toutes les parties auront ainsi l’occasion d’examiner en profondeur le projet de pacte avant de le signer.

A tout moment, les parties peuvent demander un entretien individuel avec le notaire ou l’assistance d’un conseil individuel (par exemple un autre notaire). 

Quid du testament ?

Via un testament, les gens peuvent aujourd’hui prendre des décisions sur la répartition de leurs biens. Mais un testament n’est pas un pacte successoral. Un pacte successoral ne permet pas de répartir vos biens entre vos héritiers, mais vous permet notamment de sécuriser certaines donations. En outre, rédiger un testament est un acte strictement personnel et unilatéral par lequel vous décidez, sans être influencé, commet vous souhaitez léguer et répartir (une partie de) votre patrimoine. Vous ne pouvez dès lors pas conclure d’accords dans un testament.

A partir du 1er septembre 2018, les familles auront plus de possibilités pour réfléchir à la planification de leur succession. 

Source: Fednot